Grenoble : la capitale des maquis

24 Mar 2024 | Articles

Le maquis vient d’une expression corse : prendre le maquis, c’est se réfugier dans une région boisée pour se soustraire aux autorités ou à une vendetta. Mais dès la seconde moitié de la Seconde Guerre mondiale, l’expression prend un sens nouveau, et désigne le lieu où un groupe de résistants se cachent des autorités allemande ou vichyste.

La résistance en France s’est longtemps organisée sans les maquis. Cependant, la fin d’année 1942 est un tournant et va permettre la formation de maquis. Tout d’abord, le gouvernement de Vichy perd en crédibilité avec l’invasion de la zone libre (pilier du traité d’armistice) par l’Allemagne, c’est l’opération Anton lancée par Hitler en novembre 1942. Au même moment à l’Est, les Soviétiques lancent une contre-offensive et parviennent à encercler les troupes allemandes. Enfin, l’Allemagne, en manque de main d’œuvre, lance la relève puis le Service du Travail Obligatoire : les travailleurs français sont réquisitionnés par l’Allemagne nazie. Dès lors une ère nouvelle s’ouvre pour la résistance : l’espoir d’une reddition de l’Allemagne apparaît avec les premiers échecs militaires allemands, Vichy est décrédibilisé et les travailleurs réquisitionnés qui ne partent pas en Allemagne sont clandestins. Pour les résistants, il est inconcevable d’aller travailler en Allemagne, de surcroît, la France libre n’existe plus. Il faut donc se cacher, s’organiser avant l’arrivée des troupes allemandes ; le maquis s’impose.

L’idée avait cependant été préparée. D’un côté, Léon Martin ancien (et futur) maire de Grenoble, mais également député et membre de la Section française de l’Internationale Ouvrière devient dirigeant du réseau de résistance franc-tireur de la région alpine, après avoir voté contre les pleins pouvoirs à Pétain, ainsi des civils et des militaires réfractaires aux réquisitions de main d’œuvre allemande s’installent sur le plateau du Vercors. De l’autre côté, Pierre Dalloz (architecte et alpiniste) et Jean Prevost (écrivain) élaborent ensemble le

« projet montagnard » : le Vercors possède des caractéristiques géographiques favorables à la résistance et peut servir de base.

Le maquis du Vercors va s’organiser et amplifier son action avec la fusion des groupes résistants (dont franc-tireur) en « Armée Secrète », principale organisation résistante. Jean Moulin qui suit l’opération du Vercors depuis le début et qui commande la résistance va à maintes reprises allouer des gros moyens financiers au maquis du Vercors. Après cette grande réorganisation en 1943, ce sont désormais les moyens humains qui vont affluer avec les rebelles du Service du Travail Obligatoire, les résistants et les réfractaires convergent vers le maquis du Vercors. Le Vercors est devenu l’épicentre de l’armée secrète et concentre de gros moyens humains et financiers, les premiers parachutages de matériel militaire venu de l’Angleterre commencent.

L’année 1944 commence difficilement pour le maquis qui subit ses premières offensives de l’armée allemande, les soldats pillent, torturent et tuent. Au printemps, les maquisards essuient des offensives françaises organisées par les milices déployées par Vichy. Les maquisards fuient, se cachent, l’heure n’est pas à l’affrontement. En effet, les maquisards n’ont qu’un objectif en tête : le débarquement.

5 juin 1944, la BBC annonce : « Le chamois des Alpes bondit » et donne le feu vert au Vercors. L’idée est de multiplier les fronts, de faire diversion et de submerger l’occupant. Les troupes et les volontaires se rejoignent sous le commandement de François Huet, chef militaire du Vercors. Le plateau va être verrouillé par les maquisards qui vont passer à l’action armée. Des drapeaux de « la république libre du Vercors » narguent les Allemands.

Les livraisons d’armes vont continuer, mais elles seront insuffisantes pour les maquisards et surtout l’opération « montagnard » qui devait livrer des hommes n’aura jamais lieu. Les alliées se concentrent sur les troupes débarquées, la contre-offensive et délaissent le Vercors. Ce n’est pas le cas des Allemands qui vont mener une offensive le 21 juillet 1944. C’est un désastre pour les maquisards. Près d’un homme sur deux n’a pas d’armes et ils manquent d’artillerie lourde. Ils sont impuissants face aux dix mille soldats allemands mobilisés. Plus de 600 combattants du Vercors et 200 civils sont tués sans compter les déportés et les blessés. Le bilan allemand est beaucoup moins sévère avec 65 morts.